M. Weber, Couverture de l'édition originale de L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme
Max Weber (21 avril 1864 - 14 juin 1920), sociologue et économiste allemand, est, avec Vilfredo Pareto, Émile Durkheim, Georg Simmel et Karl Marx l'un des fondateurs de la sociologie moderne.
Économie et société (posthume 1921), traduction du tome 1, Plon, 1971 ; édition de poche, Pocket, 1995.
La ville (extrait du tome 2 d'Économie et société), traduction par Ph. Fritsch, Aubier, 1982.
« l'État moderne a le monopole de la violence légitime. », le Savant et la politique.
(de) Staat ist diejenige menschliche Gemeinschaft, welche innerhalb eines bestimmten Gebietes […] das Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit für sich (mit Erfolg) beansprucht.
« Le métier et la vocation de savant », Max Weber (1919), dans Le Savant et le Politique, Max Weber (trad. Julien Freund, Eugène Fleischmann, Éric de Dampierre), éd. Union générale d’éditions, coll. 10/18, 1963 (ISBN 2-264-00209-3), p. 125
Le Savant et le politique, 1959 / Il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé […], revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime.
Article détaillé : L'émergence du capitalisme selon Max Weber
Pour Max Weber, le capitalisme moderne, c'est-à-dire le capitalisme d'entreprises fondées sur l'utilisation rationnelle du travail libre (du salariat), est apparu en Occident grâce à un ensemble de pré-conditions structurelles : en particulier, la présence d'une classe rationnelle constituée par la bourgeoisie libre de la ville médiévale a occupé une place essentielle. Toutefois, pour Weber (en cela il s'oppose à Marx), les principales causes de l'émergence du capitalisme sont davantage éthiques et psychologiques que techniques ou économiques. Il estime ainsi que ce qui a été décisif dans la diffusion du capitalisme fut l'apparition d'une nouvelle morale économique, que Weber nomme « esprit du capitalisme ». Dans ce nouvel ethos économique, la conduite de vie des acteurs est dirigée par le principe selon lequel la finalité de l'existence est le travail dans le cadre d'une profession : le travail devient une fin en soi. C'est une fois que les acteurs eurent incorporé cet habitus, ou « esprit », nouveau que le capitalisme a trouvé sa force d'expansion fondamentale.
« Le problème majeur de l'expansion du capitalisme moderne n'est pas celui de l'origine du capital, c'est celui du développement de l'esprit du capitalisme. »[10]
Weber pense que l'origine de cet esprit se trouve dans l'ascèse du travail dans le monde qui a été au centre du protestantisme calviniste, et plus largement puritain. En effet, dans le puritanisme, le travail est la plus haute tâche que peut accomplir l'homme pour la gloire de Dieu et, surtout, le fidèle peut trouver dans sa réussite professionnelle la confirmation de son statut d'élu de Dieu. Weber estime que c'est dans la sécularisation de cette ascèse, en affinité élective avec l'« esprit du capitalisme », que le capitalisme a trouvé la force de vaincre le « monde de forces hostiles » qui s'opposait à lui.
Si les historiens de l'économie et les sociologues s'accordent sur la rupture intervenue au XVIè siècle avec les principes traditionnels de l'action économique telle que définie par la lecture thomiste d'Aristote, et reconnaissent l'apport des analyses de Weber, ses conclusions historiques furent rapidement contestées. Ainsi Werner Sombart a beaucoup insisté dès les années vingt sur l'influence juive, qui pouvait se manifester avec l'esprit de la Renaissance et la tolérance nouvelle à leur égard.[11]
10] ↑ L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Pocket, 1990, p. 71.
11] ↑ Les juifs et l'activité économique, trad. Jankelevich, 1923, Payot depuis Die Juden und das Wirtschaftsleben (1911),
La sociologie de la religion
Dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Confucianisme et taoïsme, Hindouisme et bouddhisme, Le judaïsme antique, Max Weber développe une véritable sociologie de la religion. Un recueil de textes sur ce thème, Sociologie des religions, a été publié par Gallimard en 1996.
Les trois principaux thèmes auxquels il s'intéresse sont la portée des idées religieuses sur les activités économiques, les rapports entre hiérarchies sociales et idées religieuses, et les caractéristiques spécifiques de la civilisation occidentale.
Son objectif était de trouver une explication aux évolutions différentes des cultures occidentales et orientales. Après ses recherches, Weber en vint à penser que les idées religieuses puritaines (et plus largement chrétiennes) avaient eu une portée considérable sur le développement du système économique en Europe et aux États-Unis, mais fit remarquer qu'elles n'avaient pas été les seules causes du développement. Les autres facteurs remarquables signalés par Weber sont le rationalisme de la recherche scientifique, les progrès conjoints des mathématiques, de l'enseignement universitaire et du droit, et l'esprit d'entreprise. Il conclut en écrivant que l'étude de la sociologie de la religion doit conduire à une meilleure compréhension d'un des principaux aspects de la civilisation occidentale, à savoir une certaine émancipation de l'explication magique du monde, un "désenchantement du monde" ; un chemin suivi entre autres par Marcel Gauchet, notamment dans Le désenchantement du monde (1986). [wiki.fr]
RENCONTRES SUR L'UTOPIE
PEUT IL Y AVOIR UNE UTOPIE DE LA VILLE?
Cynthia Ghorra-Gobin, Directeur de recherche CNRS, Mardi 2 Mai 2000
L'UTOPIE DE LA VILLE AU 21ème SIECLE: ENTRE NOUVELLE DONNE POLITIQUE ET MYTHES FONDATEURS
La ville ne peut être étudiée que comme la simple résultante de la concentration spatiale d'emplois et de logements. Son organisation n'a pas pour seul effet de maximiser les flux économiques (accumulation du capital) ou encore de produire des inégalités sociales. La ville a, tout au long de l'histoire, véhiculé une valeur symbolique qui exige d'être réinventée alors qu'elle subit le choc de la métropolisation en relation avec la mondialisation de l'économie et les nouvelles technologies de communication et d'information. A l'heure où la ville change d'échelle et où la ville américaine devient le référent majeur dans le discours alors qu'elle n'a jamais revêtu une fonction civilisatrice, réinvestir la dimension symbolique de la ville peut se concevoir comme une utopie. Traiter de l'utopie n'exige pas forcément de faire abstraction de la réalité ou encore de ses représentations. Aussi l'utopie aujourd'hui peut consister à prendre toute la mesure du monde qui se dessine -une scène planétaire indissociable de la mondialisation- et dans ce nouveau contexte civilisationnel de s'interroger sur le sens à donner au processus de la métropolisation.
Le monde fait face à une nouvelle phase du capitalisme, un capitalisme qui grâce notamment aux nouvelles technologies de communication et d'information s'affranchit de toute notion de frontière et de contrainte spatiale. Le capitalisme, -une dynamique qui a déjà plus d'un millénaire et dont la genèse remonte aux villes de la Méditerranée avec les figures emblématiques de Venise et de Gênes rapidement relayées par les Villes du Nord, Amsterdam, Anvers et d'autres- a en partie été dompté, disent les historiens, grâce à l'invention de l'Etat-Nation. Puis au fur et à mesure de l'avancée du capitalisme industriel, tout a été fait pour que la carte politique de la planète corresponde à la carte économique. L'économie se déclinait sous la forme d'économie nationale régulée par les Etats qui grâce à aux relations et accords inter-étatiques ont assuré la stabilité de la planète. Or cette réalité politique et économique a changé. La Chute du Mur de Berlin a permis de prendre pleinement conscience de la mondialisation qui ne se limite pas à la seule sphère économique et financière mais inclut également la sphère culturelle. A l'heure de la métropolisation (l'instrumentalisation de la ville par la mondialisation) qui se traduit par la privatisation des espaces publics à l'image de la ville américaine n'ayant jamais valorisé les espaces publics, l'utopie peut alors se concevoir comme un processus en vue de réinventer les espaces publics qui dans la tradition européenne ont toujours été perçus comme les fondements de la ville.
Aussi l'analyse se présente comme une mise en perspective de la ville européenne par rapport à la ville américaine avant de défendre les espaces publics comme le vecteur privilégié de l'utopie de la ville. La conclusion s'interroge sur l'idée d'une utopie comme un principe de réinvention de mythes fondateurs.
MISE EN PERSPECTIVE DE LA VILLE EUROPEENNE A PARTIR D'UN DETOUR PAR LA VILLE AMERICAINE
Les fondements de la ville américaine sont relativement éloignés de ceux de la ville inscrite dans l'histoire européenne, comme le suggère le parallèle entre les deux.
LA CIVILISATION AMERICAINE
La civilisation américaine est indissociable de l'idée même de démocratie mais celle-ci a été ancrée dans les valeurs du monde rural. La nation américaine se voulait une démocratie fondée sur une société composée de ruraux propriétaires de leurs maisons et fermes, une caractéristique la distinguant de la société européenne de l'époque. Les Pères fondateurs n'ont, en effet, jamais cru en la valeur civilisatrice de la ville, ils l'ont plutôt associée à l'idée de chaos social ou encore d'écosystème qui, en raison de sa forte densité, serait favorable à tout projet subversif. Quoi qu'il en soit, cette représentation ne posait pas vraiment problème dans la mesure où, comme le souligne le premier recensement (1790) les citadins représentaient moins de 4% de la population totale. Toutefois alors que l'industrialisation se présente comme un fait inéluctable, les Américains ont engagé un débat sur ce que devait être la ville.
Le débat du 19ème siècle
Pour des raisons de commodité les historiens situent ce débat, à partir des années 1820, l'année de la disparition de Thomas Jefferson, résolument hostile à l'industrialisation et à la ville. Face à l'avènement d'une nouvelle civilisation, les Américains acceptent de réfléchir à la spécificité de la ville américaine. Trois courants intellectuels convergent pour valoriser la maison et le jardin, en dehors de la ville et à proximité de la nature comme cadre de vie:
-les transcendantalistes défendent la nature et ils en font le lieu de l'identité américaine
-les pasteurs mettent l'accent sur la famille comme cadre privilégié de l'éducation de l'enfant alors que jusqu'ici ils plaidaient en faveur de la communauté
-et les féministes domestiques s'emparent de la sphère familiale et la placent sous leur autorité de la femme tout en prenant en compte les détails pratiques de l'aménagement de la maison. La civilisation américaine a ainsi réussi à reporter sur la banlieue les idéaux d'une société pastorale. Le mythe pastoral se reconstitue dans le paysage de la banlieue mais aussi dans cette idée de la communauté à taille réduite où les modalités de fonctionnement de la démocratie de participation sont optimales.
La sphère domestique privilégiée
Les architectes dessinent, dès le milieu du 19ème siècle, les premières banlieues romantiques où devront résider les familles américaines avant de les réaliser en association avec des promoteurs. Dans cette nouvelle configuraion spatiale, la légitimité de la ville se limite aux fonctions économiques et aux fonctions d'acculturation des immigrés et où la banlieue est valorisée comme cadre de vie, les Américains privilégient la sphère domestique au détriment des espaces publics. La sphère domestique devient le cadre central à partir duquel s'organise toute la vie de l'individu, sans pour autant se traduire par un repli de la famille sur elle-même. La sphère domestique devient en fait un haut lieu de la sociabilité américaine et dans une ville comme Los Angeles, elle devient le centre à partir duquel on peut observer et comprendre la ville.
Parallèlement à cette prise de conscience de la diversité et de l'hétérogeneité de la société et au fur et à mesure de l'arrivée des flux migratoires, la société a cherché à réduire le rôle des espaces publics en minimisant autant que possible les espaces de contacts anonymes, les espaces publics. La civilisation américaine n'a accordé aucune valeur aux espaces publics dans l'expérience urbaine. Les espaces publics ne renvoient pas à l'idée du politique, contrairement aux villes européennes. Il va de soi que ni NY ni les villes issues de la colonisation européenne ne peuvent illustrer ce propos qui concerne plus l'expression urbaine de la nation américaine du 19ème siècle.
Le secteur privé se charge des cadres de la vie publique
Les métropoles américaines ne sont toutefois pas dénuées d'urbanité: tout au long du 20ème siècle et au fur et à mesure que les banlieues enregistraient une forte croissance démographique, le secteur privé a conçu des espaces privés ouverts au public. Les Américains ont inventé les centres commerciaux, les "shopping malls", plus tard les "theme parks" et autres aires de récréation. Avec le Mall of America s'inaugure une nouvelle génération de shopping malls combinant le shopping mall et le theme park.
La mise en scène de la société civile se fait aux Etats-Unis grâce au secteur privé. Cela ne pose toutefois aucun problème fondamental aux Américains dans la mesure où les Espaces Publics n'ont jamais revêtu -contrairement à la ville européenne- cette valeur symbolique du politique. Les Américains qui pratiquent le mouvement associatif, au sein des paroisses ou dans un cadre plus laïque, dans les "neighborhood associations" ou encore "gated communities", assimilent en effet l'espace public à ce type de pratiques. Là-bas les espaces publics ne véhiculent pas toute la dimension symbolique et politique que la ville européenne lui a léguée.
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LA VILLE EUROPEENNE
Des historiens et sociologues comme Leonardo Benevolo et Max Weber ont démontré que la spécificité de la ville européenne reposait essentiellement sur l'invention d'un pouvoir politique. En fait l'entité ville a réussi à rompre avec l'ordre et le régime féodal en autorisant tout individu à prendre, -toute proportion gardée- ses distances par rapport à l'autorité féodale. La ville s'est progressivement définie comme une entité incluant une variété et rivalité de pouvoirs dont le religieux, l'économique et le politique, comme peuvent l'attester les bâtiments représentant ces institutions. Dans ce cadre l'ensemble des bâtiments servaient en fait de décor à la vie publique où se cotoyaient dans l'anonymat des individus appartenant à différentes classes sociales. L'idée de rencontre des individus dans les espaces publics que véhicule bien le terme urbanité a peu à voir avec la sociabilité dans la mesure où la rencontre se fait dans l'anonymat. Les espaces publics qui se déclinent sous la forme de rues, avenues, marchés, boulevards, jardins ou encore espaces verts, squares etc.. correspondent bien une catégorie spatiale, mais ils renvoient à une réalité politique: ils se présentent comme des symboles du "vivre ensemble". Les espaces publics résultent d'une négociation entre le secteur public et privé, permettent à tout individu de se distancier par rapport à sa communauté d'origine et autorisent la mise en scène de la société civile.
- Les espaces publics fondements de la ville
Les espaces publics reflètent dans leur dimension matérielle et physique une dimension politique. Conçus comme des vides ou encores des creux situés entre des bâtiments, ils caractérisent paradoxalement la ville et lui donnent sa spécificité. En effet le mot ville -telle que définie par les Anciens, comme le rappelle Fustel de Coulanges à la fin du 19ème siècle- renvoit à deux termes "urbs" et "civitas". Le premier fait référence à la réalité physique (densité du bâti et densité de population), le second à la réalité politique.
Dire que les Espaces Publics s'inscrivent aussi bien dans la réalité physique que dans la réalité politique, conduit à les privilégier en tant que fondements de la ville. D'où leur richesse.
- Une responsabilité négociée entre le secteur privé et public
Les Espaces Publics relèvent en principe des autorités publiques. Ils sont gérés par les municipalités qui décident de leur tracé, de leur forme, de leur entretien et de leur évolution. Mais la réalité est bien plus subtile: les espaces publics résultent d'une négociation permanente entre le secteur privé et le secteur public. En effet, les bâtiments qui longent ou bordent les espaces publics appartiennent au secteur privé mais ils ont au préalable reçu l'accord des autorités publiques. La municipalité octroie le permis de construire, après avoir vérifié le degré de conformité du projet par rapport au schéma d'aménagement et à ses ambitions. Il lui revient de juger de la transition entre l'espace public et le bâtiment privé ainsi que de l'aspect de ce bâtiment privé à partir des espaces publics. Les façades des bâtiments privés servent de décor aux espaces publics.
Les espaces publics résultent de cette négociation entre secteur privé et secteur public, un fait attesté par les historiens qui soulignent combien l'aménagement des places royales (y compris à Paris) exigeait un temps de discussion entre le roi et les autres pouvoirs de la ville.
- Lieu de la mise en scène de la société civile
Les espaces publics peuvent être considérés comme le lieu privilégié de la mise en scène de la société civile. L'histoire de la ville suggère et met en évidence ce parallèle entre une société civile prenant conscience de son existence, de son rôle et de son pouvoir politique et l'avènement des espaces publics. Dans un premier temps les places ont certes servi à mettre en scène la statue du roi mais, très rapidement, la société civile s'en est emparée pour les faire siens et pour bientôt changer la face du monde.
Les espaces publics mettent en situation de co-présence des individus anonymes tout en déployant les codes nécessaires au sentiment d'appartenance. Ils garantissent l'anonymat à l'individu tout en lui fournissant un registre de références pour se penser avec les autres. Se faisant ils sont le support privilégié des rites de la construction de l'identité sur un mode éphémère.
LES ESPACES PUBLICS COMME PROJET UTOPIQUE
A l'heure où la métropolisation se traduit par la privatisation des espaces publics, réinventer les espaces publics correspond à un projet utopique même si, par ailleurs, il s'agit de reconceptualiser les mythes fondateurs de la ville en général et de la ville européenne en particulier. Ce projet s'impose en fait comme une priorité dans la mesure où le XXème siècle a privilégié l'évolution des techniques alors qu'il réinterprétait la ville au détriment de la valeur symbolique. Mais avant de rappeler les caractéristiques majeures des espaces publics et les raisons pour lesquels ils ont participé de la fondation de la ville, un rapide parcours sur les pratiques du siècle dernier permettra de mieux situer les enjeux de la ville, à l'aube de ce 21ème siècle.
LA NEGLIGENCE DU 20ème SIECLE A L EGARD DES ESPACES PUBLICS
L'architecture moderne ignore les espaces publics et ce regard entraîne d'autres professionnels à ne plus les considérer que comme un service à la mobilité. Ce contexte a autorisé le secteur privé à s'investir dans la production des espaces publics.
L'architecture moderne nie la valeur des espaces publics
Les grandes théories architecturales du mouvement moderne ont accordé peu d'importance au thème des espaces publics. Aussi toute la logique qui prévalait à l'institutionnalisation et à l'avènement des espaces publics, en tant que mise en scène de la société civile, a disparu au profit des politiques publiques limitées à des objectifs essentiellement fonctionalistes. L'aménagement urbain s'est pratiquement enfermé dans une logique d'équipements dont tous les élèments étaient prescris et fixés par des normes administratives.
Avec la deuxième guerre mondiale, l'aménagement s'est préoccupé de la question du logement: il fallait régler une crise. Mais une fois que cette question n'a plus eu la priorité sur l'agenda politique, elle a laissé la place aux équipements sociaux et culturels dans les nouveaux quartiers d'habitat.
Les espaces publics réduits à des flux de circulation
ou monopolisés par le principe de patrimonialisation
Au niveau national comme au niveau local, les espaces publics ont toutefois retenu l'attention des ingénieurs qui ont mis leurs capacités et leurs énergies à les optimiser en tant qu'espaces de la circulation des flux où la voiture occupe la place centrale. Face à cette tendance forte d'autres professionnels influencés par les courants en faveur de la protecion des quartiers historiques et la prise en compte de la valeur patrimoniale de la ville, ont choisi de préserver certains espaces publics. Ces derniers le plus souvent localisés dans des quartiers historiques ont été l'objet d'une certaine muséification. Certains espaces publics ont ainsi été transformés en zones piétonnes réservées exclusivement aux touristes et à la clientèle des commerces de luxe des quartiers centraux.
Le secteur privé, acteur privilégié de la production des espaces publics
Ce monopole de la logique d'équipement dans l'aménagement urbain associé à ce principe d'adapter la ville à la voiture a convaincu le secteur privé à investir dans la production d'espaces publics. Ces "nouveaux espaces publics" où la voiture est bannie, sont en fait des espaces privés ouverts au public qui se déclinent sous la forme de parcs à thèmes, de galeries marchandes, de centres commerciaux. Ils sont des espaces agréables, bien faits, conformes aux normes de sécurité et attirent les foules en fin de semaine et en soirée.
L'intervention du secteur privé dans la production des espaces publics ne pose pas problème mais elle contribue à dévaloriser les espaces publics qui souvent ne sont plus perçus que comme un service à la mobilité (au seul profit de la circulation) ou encore comme un outil stratégique de la patrimonialisation.
LES ESPACES PUBLICS MYTHES FONDATEURS DE LA VILLE
La réinvention des espaces publics s'impose en raison de trois mythes qui les fondent: ils représentent l'imaginaire du lien social, ils sont le lieu d'apprentissage de l'altérité et le symbole de la diversité sociale et culturelle.
L'espace public comme imaginaire du lien social
Tout au long de l'histoire, les villes ont été le lieu de la production des inégalités sociales et de leur mise en scène. Mais cette mise en scène de la diversité sociale a certainement contribué à faire prendre conscience aux décideurs de l'impératif de politiques de redistribution en vue de réduire ces inégalités. L'exemple de l'Etat fédéral aux Etats-Unis qui, dès la fin des années 70, a rencontré de sérieuses difficultés pour légitimer sa politique sociale à l'égard des quartiers en difficulté, peut illustrer ce propos. Ces difficultés s'expliquent en grande partie du fait que la grande majorité des électeurs qui s'étaient suburbanisés (avaient quitté la ville pour la banlieue) n'avaient plus de contact physique ou encore ne cotoyaient plus "ces gens" dans la rue et les seules images qu'ils avaient des autres étaient ceux de la presse mettant bien entendu l'accent sur la violence. Tout électeur américain a douté du bon usage des impôts à l'égard des quartiers sensibles.
Cet exemple illustre la difficulté d'imaginer un contrat social (politique de redistribution) en dehors de tout contact physique entre individus au sein d'un espace commun et public.
Les espaces publics comme espace d'apprentissage de l'altérité
Les espaces publics ne sont pas des espaces communautaires. Ce ne sont pas des espaces où se retrouvent uniquement des gens se ressemblant ou appartenant à la même communauté --même s'ils peuvent offrir la possibilité à des gens d'une même communauté de se retrouver. Ils se caractérisent plutôt par leur capacité à distancier l'individu de la communauté pour apprendre à reconnaître les différences mais aussi les ressemblances avec les autres. Cette capacité d'apprentissage de l'autre, de ce qui n'est pas soi, provient de la puissance de l'anonymat. C'est justement ce que distingue ou plutôt a distingué pendant des siècles la ville de la campagne, soit la possibilité pour l'individu de s'affranchir de ces liens originels pour s'identifier à une identité plus complexe, celle de la ville.
Les espaces publics correspondent à l'institution d'un espace non originairement commun qui doit dessiner, en l'absence d'un espace natif commun, les conditions d'une communauté possible, une communauté issue de la puissance de l'anonymat. Ils maintiennent les individus dans une extérioriré les uns des autres, en même temps qu'ils sont un lien qui unit dans la séparation. Les espaces publics font tenir ensemble des élèments hétérogènes et, à ce titre, reflètent cet idéal du "vivre ensemble".
Les espaces publics ou les rites de la construction d'une identité collective
La ville a, tout au long de son histoire, véhiculé une valeur symbolique au travers de ses espaces publics. Or la ville, à l'heure où elle a rendez-vous avec la mondialisation, est plus que jamais perçue comme une entité pluri-ethnique ou encore pluri-culturelle et il convient d'imaginer ce que pourrait être une politique de communication interculturelle. Conciliant le principe des identités diférenciées, tout en préservant le respect des droits fondamentaux de l'individu, les espaces publics évitent le repli sur la communauté d'origine et participent de la construction d'une identité collective sur le mode éphémère.
La spécificité des espaces publics provient de leur capacité à autoriser à tout individu la rencontre avec l'autre dans l'anonymat, tout en lui donnant les moyens de se distancier de sa communauté originaire et de faire l'apprentissage de l'altérité. Or une grande partie de la population (jeunes et moins jeunes) habitant dans les quartiers sensibles n'ont pas rééllement fait l'expérience des espaces publics et, de ce fait, n'ont pas l'opportunité de prendre distance par rapport à leurs quartiers et voisins.
LE "MYTHE" DES ESPACES PUBLICS OU L'"UTOPIE" DES ESPACES PUBLICS?
A l'heure où la ville a rendez-vous avec la mondialisation de l'économie et qu'elle est, de ce fait, soumise aux flux transnationaux et à l'heure où des technophiles tentent de faire du cyberespace le nouvel espace public, la réinvention des espaces publics comme lieu privilégié de la reconnaissance de l'autre en tant qu'individu et comme mise en scène de la société civile dans sa diversité s'impose. En effet dans le présent contexte historique dominé par un processus de privatisation des cadres de la vie publique, la réinvention des mythes fondateurs de la ville peut se comprendre comme un utopie.
Mais cette thèse en faveur des espaces publics comme projet utopique n'est pertinente que si l'on continue d'inscrire la ville dans ce fameux couple urbs et civitas ne dissociant pas la symbolique du vivre-ensemble de la matérialité du phénomène urbain et si ensemble ils renvoient à l'idée de démocratie. Un projet utopique consisterait à :
1- Reconceptualiser les méthodes de l'aménagement urbain tout autant que les politiques culturelles pour permettre aux espaces publics, synonymes de la présence du public anonyme, de ne plus être associés à l'incivilité. Ce qui signifie insuffler dans des logiques essentiellement fonctionalistes une sensibilité renvoyant à l'idée de la construction d'une identité collective.
2- S'assurer que chacun de nous a les moyens d'y avoir accès, non pas en termes d'accessibilité par le biais d'une voiture ou de transports en commun, mais en termes cognitifs. Que de jeunes des quartiers sensibles n'osent pas s'aventurer seul hors de leur quartier de peur de se perdre et, de ce fait, ils n'ont plus que le choix de sortir en bande et de s'imposer par la force. D'où le rôle incontournable d'une sensibilisation aux espaces publics par l'éducation.
Adopter la thèse des espaces publics comme fondement de la ville signifie placer l'utopie de la ville dans le registre de la reconnaissance des droits culturels à l'échelle de la planète. La thèse repose en outre sur deux hypothèses qui reconnaissent d'une part l'impératif de la construction d'une identité locale à l'échelle de la métropole à l'heure des flux transnationaux et d'autre part le rôle des espaces marchands et ludiques (espaces homogeneisés et uniformisés) comme lieux renvoyant à l'appartenance de l'individu à un monde marchand globalisé. (http://2100.org/conf_CynthiaVille.html)
[여적]메갈로폴리스
문화주의 도시론을 설파하는 루이스 멈포드는 도시가 에오폴리스에서 폴리스, 폴리스에서 메트로폴리스, 메트로폴리스에서 메갈로폴리스로 진화하다 메갈로폴리스에서 네크로폴리스로 전락한다는 주장을 내놓았다. 20세기가 낳은 걸출한 건축비평가인 멈포드가 경고한 마지막 단계 네크로폴리스는 납량물마냥 간담을 서늘케 한다. 네크로폴리스(necropolis)는 공룡화된 메갈로폴리스가 견디다 못해 해체돼 가는 ‘죽음의 도시’다. 네크로폴리스는 ‘죽은 자의 도시’를 뜻하는 그리스어 ‘nekropolis’에서 따왔다.
멈포드가 네크로폴리스의 바로 전 단계로 본 초거대도시 메갈로폴리스는
1961년 프랑스 지리학자 장 고트망이 현대도시 개념으로 처음 사용한 조어다. 고트망은 미국 동부 보스턴에서 워싱턴에 이르는 광대 지역이 자동차로 9시간 걸리는 거리지만 당시로서는 유례가 없는 1억명의 인구 밀집 지역인 데 착안해 메갈로폴리스란 이름을 붙였다. 실은 고대 그리스의 에파미논다스가 아르카디아 남부에 건설한 거대 폴리스를 지칭한 말이다.
66억7000만명에 이르는 지구촌 인구 가운데 절반 정도가 도시에 살고, 그 절반이 넘는 사람들이 메갈로폴리스에 사는 것으로 추산된다. 그래서 현대인들이 메갈로폴리스라는 황량한 사막에서 방황하고 있다는 학자들도 있다. 뉴욕, 도쿄, 런던, 파리, 시카고를 세계 5대 메갈로폴리스로 꼽는다. 여기에다 중국 상하이가 최근 세계에서 가장 긴 해상대교인 ‘항저우만 해상대교’의 개통으로 인근 저장성 일대의 경제 통합을 가속화하면서 6대 메갈로폴리스로 도약할 것이라고 과시하고 있다.
서울도 메트로폴리스를 넘어 메갈로폴리스로 불리게 된 지 오래다. 그제 오세훈 서울시장이 상하이와 도쿄 등 동아시아 메갈로폴리스와의 경쟁에서 뒤지지 않기 위해 서울 중심의 국가발전전략을 강조해 논란의 불씨를 지폈다. 옹호론자들은 당연히 경쟁력에 방점을 찍지만, 서울을 제외한 지방자치단체와 비판론자들은 국토의 균형발전을 비롯한 여러 갈래의 반대 이유를 제시한다. 숨은 정치적 함의는 그만두고라도 메갈로폴리스의 급선무는 규모가 아니라 외국의 고급인력이 선호할 정도의 ‘삶의 질’이라는 게 나라 안팎 전문가들의 고언이다. (김학순 선임기자, 경향 입력: 2008년 08월 01일 18:01:06)
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