앞에서 한참동안 전체주의에 대해서 살펴봤는데, 마침 여기에 역행하는 아니키즘적 시각에 대한 기사가 있어서 옮겨온다. 순수한 아나키즘은 아니겠지만 흔히 그렇게 분류되기 쉬운 프루동에 대한 소갯글이다. "소유권이란 무엇인가? 그것은 도둑질이다. 노예제도란, 살인이다."(바로 밑 발췌문의 이탤릭) 라는 극단적 발언으로 유명한 그의 사상에 대한 전문가의 설명을 들어본다 (르몽드 12/18일자 기사 전문).
기사의 제목에서 보듯이 프루동이 가장 증오했던 것은 절대적 지배권(독점적 결정권)을 갖는 국가권한(l'autorité-권위,권력,관권)이고, 그것의 대체를 위한 방안으로 설정한 것이 -맑스의 프롤레타리아 독재와는 다른- 노동자 자치(l'autonomie ouvrière) 라고 한다. 노동자 자치기구를 통한 프루동의 공산주의는 아주 작은 단위체에서나 가능한 유토피아적 발상으로, 부르주아 독재든 프롤레타리아 독재든 지식분자들에 의해 지도되는 국가라는 틀을 부정하고 노동자 개인들의 자율·자유·연대를 강조한다는 측면에서 충분히 친서민적이고 친민중적인 시각으로 존중될 수도 있겠지만, 결국은 일종의 아니키즘과 통할 수밖에 없겠다. 그렇게 프루동의 아나키즘적 입장은, 일견 홉스나 루소 보다는 로크에 더 가까운 것으로, 잘못하다가는 영·미식 자유주의나 국가에 대항하는 개인주의에 빠질 위험(국가란 (자치)공동체의 확장태이지 반대개념이 아니라는 측면에서)도 내포한다 하겠다. (그러나 아래 전문가는 -스스로의 취향에 의거하여- 프루동에 대해 상당히 긍정적인 입장을 취하는 듯이 보인다.)
[Extrait] "Si j'avais à répondre à la question suivante : Qu'est-ce que l'esclavage ? et que d'un seul mot je répondisse : C'est l'assassinat, ma pensée serait d'abord comprise. Je n'aurais pas besoin d'un long discours pour montrer que le pouvoir d'ôter à l'homme la pensée, la volonté, la personnalité, est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c'est l'assassiner. Pourquoi donc à cette autre demande : Qu'est-ce que la propriété ? ne puis-je répondre de même : C'est le vol, sans avoir la certitude de n'être pas entendu, bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée ?J'entreprends de discuter le principe même de notre gouvernement et de nos institutions, la propriété ; je suis dans mon droit : je puis me tromper dans la conclusion qui sortira de mes recherches ; je suis dans mon droit : il me plaît de mettre la dernière pensée de mon livre au commencement ; je suis toujours dans mon droit." ("Qu'est-ce que la propriété ?", chapitre premier, p. 31.)
"Il a eu une haine dans sa vie, c'est l'autorité"
LE MONDE DES LIVRES | 17.12.09 | 11h29 • Mis à jour le 17.12.09 | 11h30
Les livres qui ont changé le monde (12/20) - "Qu'est-ce que la propriété ?", de Proudhon (1840) vu par Jacques Julliard, historien et journaliste
Dans "Qu'est-ce que la propriété ?", Proudhon donne sa conclusion - "C'est le vol" - dès les premières pages, avant de l'expliciter. Est-ce que cela a gêné la compréhension de l'oeuvre ?
Assurément. Proudhon est facilement assimilé à sa formule "la propriété, c'est le vol", qui a créé un malentendu. Il avait un sens aigu de la provocation, ce qui colore parfois d'une manière un peu trompeuse son oeuvre. Mais il propose la "possession" plutôt que la propriété. Il doit beaucoup à l'école libérale anglaise, et en particulier à John Locke. Il ne le cite jamais. Pourtant, il partage avec lui l'idée que la propriété garantit les droits de l'homme : la liberté proudhonienne s'exprime à travers l'échange "mutuel"... qui suppose la propriété.
Pourquoi alors avoir commencé par le vol ?
Proudhon croit aussi - contrairement à Locke - que la propriété n'est pas une donnée immédiate de la condition humaine. Qu'elle s'acquiert inévitablement, au départ, par le vol, même si ensuite diverses possessions sont légitimes. Il est l'homme des contradictions assumées. Au fur et à mesure de son oeuvre, ou bien à l'intérieur même d'une même oeuvre, il est pour et contre le libre-échange, la fédération, le syndicalisme, etc.
Comment l'expliquer ?
Le socialisme du XIXe siècle est tout entier fondé sur l'idée de dialectique. Hegel règne sur sa méthode de pensée. Or Proudhon, à la différence de Marx, est en désaccord avec la dialectique hégélienne à trois temps - thèse, antithèse, synthèse -, qui a pour but d'en finir avec une contradiction. Il pense que la contradiction à deux temps, c'est-à-dire sans fin, est le moteur de l'Histoire et de la pensée. Il réfléchit par étapes successives. C'est la grande dialectique à la française. L'homme qui l'incarne le mieux, c'est Pascal, et après lui Sorel.
Proudhon est assez largement un autodidacte. Il est une des rares personnalités socialistes françaises d'origine ouvrière, sinon la seule. Son intérêt et sa fierté personnelle sont d'avoir réconcilié son rapport immédiat, charnel, à la condition ouvrière, avec une élaboration intellectuelle extrêmement profonde.
En quoi son origine influence-t-elle son projet ?
L'année de sa mort, en 1864, il écrit De la capacité politique des classes ouvrières, qui paraît l'année suivante. C'est une réflexion sur le "Manifeste des soixante", écrit par un groupe d'ouvriers dont le plus connu est Henri Tolain, ciseleur parisien, qui a demandé à Proudhon son commentaire. " Le suffrage universel nous a rendus majeurs politiquement mais il nous reste à nous émanciper socialement, dit ce manifeste. La liberté du travail, le crédit, la solidarité, voilà nos rêves. Nous repoussons l'aumône, nous voulons la justice." Aux élections qui vont avoir lieu, Tolain et ses amis proposent des candidatures ouvrières.
Qu'en pense Proudhon ?
Que le Manifeste est un grand acte : la classe ouvrière parle en tant que telle, et réclame ses droits, ce qui est complètement nouveau. Et il a raison. Les ouvriers ont essayé de prendre la parole lors des journées de juin 1848, mais ils ont été écrasés. Et là, d'une manière pacifique, modérée, ils font un manifeste de classe, à une époque où on ne connaît pas encore Marx.
Proudhon énumère les conditions pour arriver au pouvoir : une conscience de classe - là, on dirait du Marx ! -, une idée - l'autonomie ouvrière - et sa mise en pratique. Mais il est hostile en principe à l'idée de candidatures ouvrières aux élections, car les élection sont aussi trompeuses que la révolution...
Alors que veut-il ?
Il se fait plus ouvrier que les ouvriers. Il propose le "mutualisme" : la capacité des ouvriers à s'organiser par eux-mêmes, par petits groupes, à créer leurs entreprises et les relations entre elles. C'est un socialisme de subsidiarité, très différent d'un socialisme fondé sur l'Etat, des moyens contraignants et la collectivisation, qui, pour Proudhon, débouchent sur la tyrannie, le despotisme et la dépossession des ouvriers par des gens qui parleront en leur nom. C'est d'une lucidité incroyable. Proudhon a eu une haine dans sa vie, ce n'est pas la propriété, c'est l'autorité.
En même temps, il prône l'égalité des revenus ?
Oui, mais à condition qu'elle ne soit pas organisée par l'Etat. La grande idée de Proudhon, c'est une banque ouvrière qui prêterait un capital de départ pour créer des entreprises. C'est exactement ce que Muhammad Yunus, le Prix Nobel de la paix 2006, appelle le microcrédit. Avec une différence : sans intérêt, car la seule chose qui produit de la valeur, c'est le travail. C'est là que Proudhon est plein d'illusions, utopiste.
Où situez-vous les origines de cette utopie ?
Il y a une sorte d'anarcho-socialisme du Jura. Dans la IIe Internationale, c'est la fédération jurassienne qui défend Bakounine contre Marx. Proudhon mais aussi Fourier sont de Besançon. Je viens aussi du Jura ! Dans le socialisme montagneux - pas montagnard -, il y a quelque chose de profondément individualiste, que vous retrouvez dans les "fruitières paysannes" : on s'unit autour d'une fromagerie, par exemple, pour exploiter en commun le lait qu'on produit. Le but n'est pas de socialiser mais de protéger l'individu, de lui permettre de subsister.
Comment résumeriez-vous cet esprit ?
Fernand Pelloutier, fondateur des Bourses du travail à la fin du XIXe siècle, qui a lu Proudhon, a écrit une très belle formule : le but, c'est de fonder "une société d'hommes fiers et libres". La société proudhonienne ne produit pas des fourmis, des clones. Elle exalte l'individu.
En quoi Proudhon est-il considéré comme le père des anarchistes, selon vous ?
Il n'aimait pas le débraillé anarchiste. Il disait : "Je suis un révolutionnaire, je ne suis pas un bousculeur." Mais il a l'idée très féconde d'abolir l'idée de souveraineté, non seulement dans les institutions, mais dans le coeur de l'homme. Pour lui, le pouvoir d'un homme sur un autre est absolument attentatoire à la dignité humaine.
Proudhon critique "l'Etat serviteur", embryon d'Etat-providence. Pourquoi ?
Il est tellement emporté par sa crainte de voir l'Etat reconstituer une souveraineté nouvelle, qu'il voit quelque chose d'oppressif dans toutes les formes d'intervention, au point de critiquer l'enseignement gratuit et obligatoire !
Mais on l'a souvent écrasé sous ses bêtises, alors qu'on aurait pu faire la même chose pour Nietzsche par exemple. Ils ont notamment la même vision négative des femmes, qui n'est reprochée qu'au seul Proudhon, à cause de sa formule : "La femme, ménagère ou courtisane". Je crois qu'il n'y a rien de plus contraire à l'esprit historique que de projeter sur des hommes comme Proudhon, Marx ou Nietzsche des progrès que nous avons faits depuis... Ils sont aussi tributaires de l'étroitesse de vue de leur temps.
Il y a également des écrits antisémites.
C'est vrai, et je ne les défends pas. Au XIXe siècle, on ne peut pas le nier, la gauche républicaine et sociale a été souvent antisémite. Il y a eu peu d'exceptions. La principale, c'est Péguy.
Quel bilan faites-vous des ambiguïtés de Proudhon ?
Il prête plus que d'autres le flanc à des utilisations perverses. C'est le propre de son style, et de sa pensée exposée, au bord du gouffre. Il serait temps qu'on se saisisse de ce qu'il y a de meilleur dans le proudhonnisme : une vision de la société faite à la fois d'autonomisme et d'exigence spirituelle.
Jacques Julliard est historien et journaliste(*).
Propos recueillis par Adrien de Tricornot. Article paru dans l'édition du 18.12.09
http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/12/17/jacques-julliard-il-a-eu-une-haine-dans-sa-vie-c-est-l-autorite_1281811_3260.html
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Une pensée longtemps supplantée par le marxisme
LE MONDE DES LIVRES | 17.12.09 | 11h30
En 1839, l'Académie de Besançon met au concours un austère sujet sur les "conséquences économiques et morales" du partage égal des héritages entre enfants. L'année précédente, elle avait élu comme titulaire de la "pension Suard" un jeune homme pauvre : Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865). Récent bachelier, à 29 ans, mais pétri d'une grande culture autodidacte, il répond à la question par son mémoire "Qu'est-ce que la propriété ?", provoquant la fureur de la vénérable Académie. Il débute ainsi une oeuvre foisonnante, claire-obscure, riche en paradoxes, souvent récupérée mais inclassable.
S'il dialogue quelques années plus tard avec Marx, la rupture est rapidement consommée. Proudhon conçoit la classe ouvrière comme une force autonomiste et estime que le prolétariat n'a pas besoin d'intellectuels extérieurs ou de technocrates pour gouverner à sa place.
Mais sa pensée "a été rejetée dans l'ombre par l'emprise du marxisme qui a triomphé intellectuellement et pratiquement après la deuxième guerre mondiale", notait Hervé Toboul, de l'université de Franche-Comté, en préambule d'un colloque organisé en octobre à Besançon, "Le siècle de Proudhon : hier et aujourd'hui".
La pensée de Proudhon, rappelle M. Toboul, faisait pourtant référence, en France, au XIXe siècle : "Au moment de la Commune de Paris, le représentant le plus connu et le théoricien le plus lu des idées socialistes était Proudhon. A la fois philosophe, économiste, journaliste et homme politique, Proudhon était l'une des figures les plus célèbres de la révolution de 1848", avant de s'opposer à Napoléon III.
Aujourd'hui, sans nier les zones d'ombre et les contradictions de Proudhon, ses zélateurs jugent la crise actuelle propice au retour de sa pensée, en insistant sur son exigence de justice, sa critique de la spéculation, sa recherche de formes économiques mutualistes ou sa réflexion sur la citoyenneté.
Adrien de Tricornot. Article paru dans l'édition du 18.12.09
http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/12/17/une-pensee-longtemps-supplantee-par-le-marxisme_1281812_3260.html#ens_id=1247715
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